Impact de la discrimination en milieu de travail

Par Simon Coulombe

L’Afrique du Sud est définitivement un pays dépaysant pour les visiteur.se.s comme moi venu.e.s du Canada. Il s’agit de ma première visite sur le continent africain, et évidemment, le contexte culturel varie d’un pays à l’autre. Dans ce blogue, je vous invite à le découvrir avec moi ! 

 

 

Quels sont les facteurs (par ex., culturels, sociétaux) qui influencent l’autogestion et la santé mentale dans ce pays ? 

Tout d’abord, il est important de contextualiser la réalité de l’Afrique du Sud, et ce depuis plusieurs années. Dans ce pays, de 1950 environ jusqu’au début des années 1990, une politique officielle de ségrégation, l’Apartheid, était en place, à travers laquelle la discrimination sociale, économique et politique de la minorité blanche d’origine européenne était promue (et légalisée) envers les personnes de la majorité non blanche (majoritairement Noires). La ségrégation avait par ailleurs commencé bien avant. En ont résulté notamment l’exclusion et le déplacement forcé des personnes non blanches de plusieurs régions des villes et du pays, mais aussi l’exploitation économique de ces personnes et leur interdiction d’utiliser plusieurs services. En bref, ils et elles étaient considéré.e.s comme des sous-citoyen.ne.s. Après plusieurs décennies de mobilisation sociale et politique, l’Apartheid a été aboli dans les années 1990, grâce notamment aux efforts de Nelson Mandela. La période post-Apartheid a permis aux personnes non blanches de pouvoir enfin avoir les mêmes droits, en théorie, que les personnes blanches (par ex., droit de vote). Cependant, la réalité est-elle qu’après plusieurs décennies et mêmes des siècles de ségrégation (par la loi ou non), le contexte social actuel reste marqué par des formes flagrantes, mais aussi plus subtiles de discrimination (tant dans les interactions personnelles entre certaines personnes issues des divers groupes que dans la façon dont les ressources sont partagées).  

 

Monument à Soweto (épicentre du mouvement de libération des personnes non blanches contre l’Apartheid, situé au sud-ouest de Johannesburg et où Nelson Mandela et sa famille ont passé une partie de leur vie) à la mémoire des jeunes personnes qui ont été tuées ou ont disparu, de façon injuste, dans le cadre d’activités de protestation antiapartheid. Description de l’image : Monument à Soweto (épicentre du mouvement de libération des personnes non blanches contre l’Apartheid, situé au sud-ouest de Johannesburg et où Nelson Mandela et sa famille ont passé une partie de leur vie) à la mémoire des jeunes personnes qui ont été tuées ou ont disparu, de façon injuste, dans le cadre d’activités de protestation antiapartheid. 

 

Mon travail de recherche, en général, ne se situe pas dans le thème de la discrimination. Cependant, il s’agit d’un élément si marquant du contexte social dans le pays, que je ne peux pas ignorer ce facteur important qui contribue à des inégalités de santé mentale. La recherche à travers le monde montre que l’exclusion et la discrimination diminuent l’accès à des ressources essentielles pour rester en bonne santé physique et mentale ou pour traiter des difficultés à ce niveau. Il est très fort probable que la ségrégation (moins institutionnalisée qu’avant) qui persiste envers les personnes non blanches contribue à des difficultés de santé mentale supplémentaires ou plus importantes chez ces personnes que chez les personnes blanches dans le pays. Comme je m’intéresse à l’autogestion de la santé mentale, on peut même penser que les personnes non blanches ont probablement moins accès (par ex., en raison des défis financiers) à des opportunités, que ce soit à la maison dans la communauté, mais aussi au travail, de prendre soin de leur santé mentale. 

 

Je n’ai pas du tout la prétention de pouvoir réduire l’exclusion envers les personnes non blanches en Afrique du Sud. Il s’agit d’une question complexe demandant des politiques et interventions à plusieurs niveaux. Cependant, mon passage dans le pays m’amène à réfléchir aux questions suivantes, à plus petite échelle et dans un contexte qui n’est pas vraiment comparable : Quel est le rapport des groupes majoritaires envers les groupes minoritaires au Canada (malgré certains progrès dans les avancées en matière de droits, parfois proclamés dans les journaux et par certain.e.s) en général et dans les milieux de travail ? Comment cela affecte-t-il concrètement leur santé mentale et leurs opportunités d’autogestion ? Comment, en tant qu’individu blanc avec plusieurs privilèges, pourrais-je faire plus (ou plutôt faire mieux) pour réduire les inégalités auxquelles ces personnes font face ? Comment pourrait-on faire en sorte que les questions de diversité, équité et inclusion soient davantage prises en compte dans les considérations en matière de mieux-être et santé mentale au travail dans les entreprises ? Voilà de nombreuses questions, dont certaines sur lesquelles il existe des recherches antérieures (que j’ajoute à ma liste de lecture !) et qui continueront de m’habiter. 

 

 

Au Québec, quels gestes et actions posons-nous pour réduire l’exclusion et les inégalités sociales envers les personnes qui souffrent d’un trouble de santé mentale ? Comment pouvons-nous favoriser la reprise de pouvoir chez ces personnes ? À titre d’exemple, Relief met de l’avant l’approche du croisement des savoirs, il embauche des pairs aidants certifiés tout ou en soutenant la diversité au sein de son équipe. De plus, il offre à tous un climat sécuritaire et préservant la dignité) en s’assurant que chaque personne soit traitée avec humanité et égalité.

 
 

 

Existe-t-il des facteurs (par ex., culturels, sociétaux) propres à ce pays qui rendent le concept de sens du travail particulièrement pertinent ou stimulant ? 

En relation avec la discrimination qui persiste en Afrique du Sud, il m’a semblé que les personnes non blanches se retrouvaient, malgré toutes leurs compétences et connaissances, davantage dans des emplois plus précaires associés à plus d’insécurité, moins davantage sociaux et moins de protections en matière de santé mentale et bien-être au travail. Comment cela affecte-t-il leur sentiment de sens au travail, mais aussi leur sentiment d’être valorisé.e.s à travers leur travail, et par ricochet, leur santé mentale ? Je n’ai pas la réponse précise. Mais cela rejoint d’autres travaux que je mène auprès de personnes en situation d’emploi plus précaire (je vous en parle une autre fois plus en détail).  

 

En fait, au Canada, nous avons collecté des données auprès de près de 2000 travailleur.se.s, incluant un indicateur de précarité d’emploi. Nous avons analysé les données et j’ai constaté que les personnes en situation de plus grande précarité montraient un niveau similaire aux autres en matière de sens au travail (c.-à-d., capacité à trouver que son travail contribue à quelque chose de signifiant pour soi et les autres), mais un niveau moindre de sentiment d’importance à travers leur travail. Indirectement, cela nuisait, selon nos résultats, à leur santé mentale (par ex., c’était associé à de la détresse psychologique). On ne peut pas nécessairement directement transposer ces résultats canadiens au contexte sud-africain. Je me demande cependant si une situation similaire est vécue par les personnes non blanches en situation d’emploi précaire là-bas. Certes, elles trouvent possiblement un certain sens à leur travail (la recherche de sens étant innée et incessante chez l’être humain) et cela est peut-être protecteur. D’un autre côté, on doit, je pense, mieux valoriser leur travail et prioriser leur santé mentale. 

 

Voilà, c’est tout pour ma réflexion aujourd’hui. Je fais mes bagages, direction du prochain arrêt : Melbourne en Australie. J’y travaillerai sur les questions de littératie en matière de bien-être et de santé mentale.  Je vous en donne des nouvelles ici dans quelque temps !  

 

Simon Coulombe 

Titulaire de la Chaire de recherche Relief en santé mentale, autogestion et travail  | Professeur à l’Université Laval 

 

 

 

 

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