Le relief de Jean-François Lacasse

Par Relief - le chemin de la santé mentale

mon atterrissage forcé

Au cours de l’année 2018, j’ai eu à traverser une importante tempête intérieure.

Les conditions météorologiques défavorables étaient toutes réunies provoquant ainsi de fortes rafales autant dans ma vie personnelle que professionnelle.

J’ai été plongé dans un véritable cyclone émotionnel.

Une crise à la fois existentielle et exponentielle.

J’aurais dû être plus prudent.

C’était prévisible en quelque sorte parce que les signes avant coureurs étaient au rendez-vous depuis fort longtemps.

En d’autres mots, j’avais plusieurs lumières qui clignotaient sur mon « tableau de bord ».

Aujourd’hui, je comprends que j’étais dans un déni complet face à la situation.

Les signaux d’alertes retentissaient, j’étais symptomatique et forcément, je n’assumais pas ma détresse psychologique.

Un beau jour, à force de résister, c’est mon corps qui a su flancher.

Une forme d’avertissement sévère disant qu’il était drôlement fatigué de transporter autant de surcharges émotionnelles et d’aller aussi vite sans prendre réellement le temps de s’arrêter un instant pour remettre du carburant.

Concrètement, en fin de parcours, voici ce que je vivais quotidiennement :

Anxiété, palpitations, irritabilité, excès de colère, sommeil agité, transpiration excessive, sentiment d’être débordé, doute de soi, perte de confiance dans mes relations, douleurs physiques, fatigue, pertes de mémoire et une consommation d’alcool difficile à contrôler.

Évidemment, mon médecin de famille n’a pas hésité à me donner un diagnostic lorsque je lui ai énuméré la longue liste de symptômes.

J’étais en dépression majeure.

Le temps s’est arrêté lorsque j’ai entendu ces mots qui décrivaient mes nombreux maux pour la toute première fois.

Personne n’est à l’abri, certes, mais j’étais loin de me douter que j’en ferais les frais un jour.

En « avant-scène », personne ne pouvait se douter de quoi que ce soit parce que j’arrivais à très bien cacher mon jeu.

Cependant, en « arrière-scène », je souffrais en silence sans compter que mes proches en payaient le prix par la bande parce que je ne pouvais pas faire semblant 24h/24.

Je regrette aujourd’hui de ne pas avoir été cherché l’aide disponible en temps utile alors que l’ensemble des ressources étaient à ma portée.

Je n’avais pas conscience de la gravité des dommages collatéraux.

L’affiche du programme d’aide aux employé-e-s était pourtant très visible.

Pour ceux et celles qui me connaissent à travers mes nombreuses interventions publiques, j’ai comparé cet événement de vie à un véritable « atterrissage forcé ».

Pendant plusieurs années, j’ose même dire qu’il n’y avait tout simplement pas de pilote dans l’avion.

Cette importante perte d’altitude m’a donc forcé à poser, non pas un, mais plutôt, les deux genoux au sol.

Il s’agissait pour moi d’un premier pas dans ma vulnérabilité.

Un mot que j’ignorais et qui ne faisait définitivement pas partie de mon vocabulaire.

reprendre mon envol à travers mon propre regard et celui des autres

Je dois admettre que ça m’a pris quelques jours de réflexion avant de remettre mon billet d’invalidité à mon gestionnaire.

J’étais à la fois épuisé, extrêmement gêné et très intimidé.

Je pensais notamment aux conséquences sur ma carrière, l’impact de mon absence prolongée sur mes collègues ainsi qu’à mes nombreux dossiers en cours et mes clients.

Je voyais déjà le courriel circulé comme quoi j’allais être absent pour « une période indéterminée ».

J’anticipais les discussions de corridor à l’intérieur de l’organisation et l’effet que mon invalidité temporaire allait provoquer au sein de l’équipe.

Je suis donc tombé en mode auto-critique assez rapidement.

Un immense sentiment de culpabilité m’envahissait du matin au soir.

Comment se fait-il qu’un gars aussi instruit ait pu tomber dans le panneau? Qu’est-ce que les gens vont penser de moi? Les scénarios se multipliaient à vitesse « grand V » dans ma tête.

J’avais l’impression d’avoir échoué, d’avoir fait semblant trop longtemps et même d’avoir triché en falsifiant les résultats.

Je suis passé du parfait fonceur performant au gars isolé et en lambeaux le lendemain.

L’image de l’homme, du papa et du travailleur reconnu venait de se déchirer et avec elle, une grande partie de ma confiance y avait passé.

Non seulement j’avais perdu mes repères mais aussi une partie de ma dignité. Tout était à rebâtir.

C’est un véritable cocktail d’incompréhension qui m’a été servi au cours des mois suivants.

D’abord le pilulier me faisait des clins d’œil et m’attendait pour une communion chaque matin.

J’ai aussi vécu plusieurs moments d’isolement et ressenti beaucoup de tristesse à travers mes instants de repos forcé.

C’était « silence radio » autour de moi. Les gens étaient au courant mais personne n’osait m’appeler. Sans doute un mélange de malaise et la fameuse peur de déranger.

Même si j’ai reçu un support incroyable de la part de mon programme d’aide aux employés durant l’ensemble du processus, j’ai vite remarqué que le regard des autres et ma propre perception de la situation entraient en conflit avec mon processus de rétablissement.

Par exemple, mon assureur me disait régulièrement : « Jean-François, c’est important de faire des choses que t’aiment au cours des prochaines semaines pour t’aider à remonter la pente ».

Pour ma part, je suis un mordu de golf depuis l’adolescence.

L’assureur m’incite ainsi à sortir de la maison et de pratiquer mon sport favori.

Il était important pour moi de suivre les recommandations.

Cependant, dans les faits, je me cachais littéralement pour jouer. La dernière chose que je voulais, c’était de croiser mes patrons, mes collègues ou même certains de mes clients sur le parcours ou ailleurs.

Comment peux-t’on être en arrêt de travail puis s’amuser en même temps? Qu’est-ce que les gens vont dire s’ils me voient sur la terrasse en train de prendre une bière après ma ronde?

Évidemment, pour ces raisons, je n’avais aucun plaisir à jouer.

C’était la même chose pour d’autres types de sorties, les voyages et les grands rassemblements.

Ce n’est pas mêlant, plus je me trouvais à l’abri des regards, mieux je me sentais.

Sérieusement, j’ai appris assez rapidement qu’il existe autant de préjugés dans la société qu’à l’intérieur de nous.

Même si je le souhaite à personne, il faut quasiment passer par là pour le saisir et le comprendre.

Forcément, je réalise qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire pour changer les idées préconçues, les fausses croyances et les mauvaises perceptions. De là l’importance d’en parler franchement et ouvertement.

Trop souvent, les moyens proposés pour prévenir ou pour répondre à des problèmes de santé mentale font appel à la responsabilité individuelle plutôt qu’à la responsabilité organisationnelle.

La psychothérapie, la pharmacothérapie (médication) et autres formes de soutien ou de traitement s’avèrent essentielles, mais elles relèvent principalement de la responsabilité des personnes qui vivent avec un trouble de santé mentale.

transformer ses épreuves en mission de vie

Que l’on le veuille ou non, à la fin de la journée, la santé psychologique touche tout le monde sans exception.

Parce qu’un jour ou l’autre, même si nous sommes épargnés personnellement, nous serons éventuellement touchés par la bande via un conjoint, un enfant, un parent, un ami, un proche ou même un collègue.

Pour ma part, c’est ce qui m’incite à en parler tous les jours.

Grâce au pouvoir des réseaux sociaux, notamment, je parcours maintenant le monde entier afin de raconter mon histoire en toute simplicité tout en marquant les esprits via l’univers de l’aviation.

Ne pas avoir peur de parler de son expérience personnelle est définitivement la meilleure recette que j’ai trouvé afin de changer réellement les perceptions.

Je réalise aujourd’hui que ma dépression m’a tout simplement permis de débuter un voyage vers la destination ultime d’une meilleure connaissance de soi.

Mon histoire c’est peut être la vôtre ou celle de l’un de vos proches.

Merci à toute l’équipe de Relief pour votre confiance. Je suis extrêmement fier d’être un ambassadeur engagé en santé mentale, de vous représenter et de collaborer à l’occasion. À mon sens, chaque initiative est porteuse d’espoir.

Chose certaine, vous pourrez toujours compter sur moi pour « tabasser » les tabous!

Découvrez plus d'outils pour vivre avec la dépression

Relief souhaite remercier Jean-François Lacasse de MAYDAY! M'AIDER! pour son témoignage. Vous souhaitez en savoir plus sur Jean-François et son univers? Découvrez-en plus sur jflacasse.com ou en lisant l'article de Henkel Média. Vous pouvez aussi suivre Jean-François sur LinkedIn et Facebook.

Derniers articles

Carnet de Voyage - Autogestion et intégration des technologies en milieu de travail

Carnet de Voyage - Autogestion et intégration des technologies en milieu de travail

Collaboration en Afrique du Sud avec les professeurs A. Thatcher et K. Milner, axée sur les technologies durables et le bien-être au travail.

Lire la suite
Carnet de voyage - tour du monde & santé mentale

Carnet de voyage - tour du monde & santé mentale

La recherche se déplace à travers le monde ! Qui est Simon Coulombe et quel sera le but de ce tour du monde ?

Lire la suite