On n’a jamais autant parlé de santé mentale depuis le début de la pandémie. Mais il serait faux de croire que la stigmatisation que vivent les personnes avec un trouble de santé mentale a disparu pour autant.
Cette stigmatisation existe depuis des siècles et elle découle de superstitions et de croyances qui sont bien ancrées dans notre imaginaire collectif.
Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas changer les mentalités. Mais disons qu’il nous faudra un peu plus que deux ans de pandémie pour réaliser un projet aussi ambitieux.
stigmatisation et santé mentale : ces tabous qui ont la vie dure
Sans rentrer dans un cours magistral sur l’étymologie, la stigmatisation signifiait avant le fait de « marquer une personne au fer rouge ».
Aujourd’hui, il y a plusieurs définitions de la stigmatisation, mais cette idée de « marquer » une personne ou de l’étiqueter demeure présente. Selon le Groupe provincial sur la stigmatisation et la discrimination en santé mentale, « la stigmatisation [est] une marque de honte, de disgrâce, de désapprobation conduisant un individu à être évité et rejeté par les autres. La stigmatisation accompagne tous les troubles de santé mentale, mais elle est en général d’autant plus marquée [quand] le comportement de l’individu diffère davantage de ce qui est commun ».
Alors que la discrimination relève du comportement, la stigmatisation fait plutôt référence aux attitudes. Et on en distingue trois types :
- La stigmatisation publique, soit les attitudes de la population en général ;
- La stigmatisation structurelle, soit les attitudes reproduites par différents systèmes et institutions (le système scolaire, les politiques, les lois, les médias, etc.) ;
- L’autostigmatisation, soit le fait d’intérioriser les stéréotypes et préjugés véhiculés par la société.
Peu importe la forme qu’elle prend, la stigmatisation se base sur un ensemble de et de mythes à l’égard des personnes vivant avec un trouble de santé mentale :
- « Elles ne sont pas vraiment malades » : Il n’y a pas de santé sans santé mentale. Plusieurs croient toutefois à tort que la santé se limite à la santé physique et qu’un trouble de santé mentale est simplement le signe d’une « faiblesse », d’une « fragilité » ou d’un « manque de résilience ».
- « Elles ne peuvent pas se rétablir » : On peut se rétablir d’un trouble de santé mentale grâce à différentes formes de traitement et de services de soutien. Même lorsqu’un trouble est de longue durée, il existe des moyens de favoriser son bien-être, comme l’autogestion en santé mentale.
- « Elles sont responsables de ce qui leur arrive » : On n’est pas responsable de notre trouble de santé mentale, mais on peut adopter des comportements qui améliorent notre qualité de vie.
Ce ne sont que quelques-uns des préjugés qui perdurent encore aujourd’hui et qui sont loin d’être sans conséquence.
les conséquences de la stigmatisation liée à la santé mentale
La stigmatisation nuit à la santé mentale et au bien-être des personnes qui la subissent. Elle empêche 60 % des personnes vivant avec un trouble de santé mentale de chercher de l’aide par crainte d’être jugées. Elle retarde aussi le diagnostic d’un trouble anxieux, dépressif ou bipolaire.
Plusieurs verront également leur estime de soi affectée et auront tendance à se dévaloriser. C’est dans ce sens qu’on dit que l’autostigmatisation est une conséquence de la stigmatisation. À force de subir des attitudes négatives, les personnes vivant avec un trouble de santé mentale finissent par les adopter envers elles-mêmes.
Au-delà des effets de la stigmatisation sur leur santé mentale et leur perception de soi, leur santé physique peut aussi être compromise. C’est entre autres le cas lorsque le personnel médical attribue à tort des symptômes d’une maladie physique à un trouble de santé mentale déjà diagnostiqué. Par exemple, un médecin pourrait associer des douleurs abdominales à de l’anxiété chez une personne ayant reçu un diagnostic de trouble anxieux. Ce préjugé a pour effet de retarder le diagnostic et le traitement d’une maladie physique et peut avoir de graves conséquences.
Les effets de la stigmatisation varient donc selon le contexte. Elle ne prendra pas la même forme si elle se fait en milieu de travail ou dans sa vie personnelle. Elle varie aussi selon la personne qui la subit. La stigmatisation associée à la santé mentale est, par exemple, plus élevée chez les communautés noires, comme le démontre une étude menée par la santé publique de la ville d’Ottawa. L’entourage d’une personne vivant avec un trouble peut également subir de la stigmatisation qu’on qualifie de « stigmatisation par association ».
La stigmatisation est donc un obstacle majeur à notre santé mentale collective. Et il est plus que temps qu’on s’y attarde de plus près.
la déstigmatisation : à quand la fin des préjugés en santé mentale?
La stigmatisation prend sa source de la peur, de l’ignorance et de la désinformation. Et c’est pour cette raison que des initiatives nationales comme Changer les mentalités de la Commission de la santé mentale du Canada sont aussi importantes. Elles permettent d’éduquer et de sensibiliser le public sur les réalités des personnes vivant avec un trouble de santé mentale.
Les employeurs ont aussi leur rôle à jouer. Encore aujourd’hui, quatre Canadien-ne-s sur dix ne se sentent pas en confiance d’aborder la santé mentale en milieu de travail.
Les personnes vivant ou ayant vécu avec un trouble de santé mentale peuvent également contribuer à briser les tabous en partageant leurs histoires – à condition de respecter leurs limites.
Puisque la stigmatisation est un problème de société, la déstigmatisation nécessitera un effort collectif. Mais on est sur la bonne voie. Les tabous sont en train de tomber un à un.
Continuons d’en parler.
La santé mentale, ça se partage
Relief souhaite remercier la contribution de Charles Saliba-Couture à la rédaction de cet article.